Diagnostics techniques : combien en faut-il ?

Il est de bon ton, depuis ces dernières années, de se plaindre de la multiplication des diagnostics techniques obligatoires pour la vente et la location des logements. On évoque l’enchérissement des transactions, et ce au plus mauvais moment, en pleine crise économique. Même si je comprends ces discours, je ne les approuve pas. Je pense même que nous devons aller encore plus loin dans la transparence des biens.

Sur le principe, je trouve que nous ne savons pas ce que nous voulons : l’opinion se plaint sans cesse, à juste titre, de l’insuffisante information relative aux biens achetés et loués. Elle met en avant les enjeux économiques de première importance – le logement est, de loin, le poste budgétaire domestique le plus lourd – et les rapporte à la maigreur, l’indigence parfois, des informations détenues, y compris lorsqu’un professionnel de la transaction sert d’intermédiaire. A cet égard, l’avènement et le développement de l’Internet et des petites annonces virtuelles a manqué une avancée considérable : l’espace gratuit, alors que l’espace papier est cher et pousse à l’économie des renseignements, a conduit à plus de transparence, avec des descriptions plus précises, plus fidèles, des photographies, des plans, de l’axonométrie. Nous sommes sur la bonne voie, et de ce point de vue la profession d’agent immobilier a progressé grâce à cet apport technologique, aidée des grands éditeurs spécialisés, « Se loger » en tête.

Reste la question des informations déterminantes que sont les diagnostics techniques, puisqu’ils portent sur ce qu’il est convenu d’appeler les pathologies des bâtiments. On est ici dans l’ordre de la connaissance de l’actualité de l’immobilier, certes, mais aussi dans l’ordre sanitaire ou encore dans celui du développement durable et des économies énergétiques. Je pense qu’il faut rapidement que trois conversions aient lieu :

1) le domaine du diagnostic souffre. Les diagnostiqueurs sont montrés du doigt pour n’avoir ni la compétence ni le sérieux qu’on est en droit d’attendre d’eux, et dans le même temps ils ne parviennent pas à faire payer leurs prestations. Curieusement, elles sont supposées par le public et par les professionnels prescripteurs, agents immobiliers en tête, mais aussi notaires, ne rien valoir. Une illustration ? Pour prendre un mandat exclusif et attirer le client, combien ont-ils décidé d’offrir les diagnostics obligatoires ! J’ai toujours considéré cette pratique perverse, pour deux raisons : parce qu’elle accrédite la thèse que les diagnostics ne valent rien et n’ont pas de valeur ajoutée, et parce qu’on peut craindre que l’objectif du prescripteur soit moins la qualité des diagnostics que leur moindre coût dès lors qu’ils vont réduire sa marge …

Il est temps que les professionnels prescripteurs et le public appelé à acheter les diagnostics acceptent l’idée qu’il faille en payer le prix, et que les diagnostiqueurs ne soient pas encouragés au dumping et très vite conduits à la paupérisation de leur profession. Ce qui doit être payé 260, 300 ou 350 euros ne peut être facturé 100 euros, et selon moi clients et prescripteurs se trompent de combat. Et puis soyons honnêtes : lorsqu’on vend un bien de 300 000 euros, avec dans la plupart des cas une plus-value non imposable, ne peut-on consacrer un millième du prix à la transparence, sachant qu’elle fait vendre ?

2) en matière de transparence quant aux pathologies, on s’est arrêté au milieu du gué, à deux titres : je pense d’abord que ces diagnostics sont des aides à la décision et qu’ils doivent être disponibles dès la mise en marché, c’est-à-dire accessible sinon dans l’annonce – qui deviendrait illisible –, en tout cas dans le dossier attaché au bien. C’est ce qu’on a estimé pour le DPE (diagnostic de performance énergétique), pourquoi pas pour les autres ? La présence de plomb par exemple, si l’on a de jeunes enfants, ne compte-t-elle pas plus que de savoir si la facture énergétique mensuelle sera de 100 ou de 120 euros ?

Enfin, je vois mal le fondement de la discrimination quant à l’information technique entre acquéreurs et locataires. J’ai bien compris qu’à la propriété on considérait qu’étaient attachés davantage de droits à l’information sur le bien, mais je ne souscris pas à cette approche juridique. Le locataire, qui va vivre dans un logement et sera donc exposé aux risques liés aux éventuelles pathologies du bâtiment, doit avoir le même degré d’information que l’acquéreur, qui sera ou pas occupant du logement. La législation, selon moi, devra évoluer dans ce sens.

3) la transparence ne suffit pas. Elle doit désormais se doubler de l’information sur ce qu’il faut faire pour améliorer le bien sur les points importants, à savoir les pathologies majeures (présence d’amiante, de plomb, d’insectes xylophages, non-conformité de l’installation électrique, surconsommation énergétique essentiellement). Les acquéreurs et dans une moindre mesure les locataires preneurs ont besoin d’être conseillés, au-delà du diagnostic. Diagnostiqueurs et agents immobiliers ne pourront pas durablement s’abstenir de donner cette dimension à leur prestation. Cela constitue d’ailleurs pour eux une opportunité commerciale historique.

En un mot, mes lecteurs réguliers n’en seront pas surpris, je vais à contre-courant des messages ambiants, qui réclament moins de diagnostics ou encore une atténuation du prix de la transparence : je plaide pour un passeport complet des logements vendus ou loués.